DÉCISION N° EC/D.20/12/25 DU CONSEIL DE L’AUTORITÉ RÉGIONALE DE LA CONCURRENCE DE LA CEDEAO RELATIVE À L’ACQUISITION D’UNILEVER CÔTE D’IVOIRE PAR LA SOCIÉTÉ DE DISTRIBUTION DE TOUTES MARCHANDISES
LE CONSEIL DE L’AUTORITÉ RÉGIONALE DE LA CONCURRENCE DE LA CEDEAO
VU le Traité révisé de la CEDEAO du 24 juillet 1993 ;
VU l’Acte additionnel A/SA.1/12/08 portant adoption des Règles Communautaires de la Concurrence et leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO ;
VU l’Acte additionnel A/SA.2/12/08 portant création, attributions et fonctionnement de l’Autorité Régionale de la Concurrence de la CEDEAO (ARCC) ;
VU l’Acte additionnel A/SA.3/12/21 modifiant l’Acte additionnel A/SA.2/12/08 ;
VU le Règlement C/REG.21/12/21 portant attributions et composition du Conseil de l’ARCC;
VU le Règlement C/REG.23/12/21 portant règles de procédures en matière de fusions et acquisitions au sein de la CEDEAO ;
VU le Règlement C/REG.24/12/21 portant règles de procédure de l’ARCC ;
VU le Règlement d’Exécution PC/REX.1/01/24 portant Manuels de procédures de l’ARCC ;
VU la notification conjointe soumise par la Société de Distribution de Toutes Marchandises (« SDTM ») et Unilever Côte d’Ivoire en date du 29 septembre 2025, enregistrée sous le numéro de dossier ERCA/MA/ 2169 /2025 ;
AYANT ENTENDU le Secrétaire du Conseil lors de sa session du 15 décembre 2025 sur les faits, les procédures et les conclusions de l’évaluation de l’opération ;
CONSIDERANT CE QUI SUIT:
I. FAITS ET PROCÉDURE
I.1. La notification
Par lettre du 29 septembre 2025, la Société de Distribution de Toutes Marchandises (« SDTM ») a notifié à l’Autorité Régionale de la Concurrence de la CEDEAO (ARCC) son projet d’acquisition d’actions d’Unilever Côte d’Ivoire. Cette notification, accompagnée de toutes les pièces justificatives requises, a été dûment enregistrée sous le numéro de dossier ERCA/MA/2169/2025. La notification répond aux critères énoncés à l’article 2 du règlement C/REG.23/12/21 et aux dispositions pertinentes du Règlement d’Exécution PC/REX.1/01/24.
Conformément aux règles applicables, le dossier de notification a fait l’objet d’un contrôle d’exhaustivité. Il a été officiellement jugé complet le 17 novembre 2025, à la suite de quoi la Direction exécutive de l’ARCC a entamé son évaluation conformément aux règles de la CEDEAO en matière de contrôle des fusions et acquisitions. Un avis public a été publié sur le site internet de l’ARCC, au Journal officiel de la CEDEAO (Vol. 11, novembre 2025) et transmis aux États membres concernés pour diffusion par les voies de communication appropriées.
I.2. La transaction
L’opération consiste en l’acquisition conjointe de 99,78% des actions d’Unilever Côte d’Ivoire par un consortium composé de SDTM (50%), Aspiration Holding Limited (25%) et Ambition International Limited (25%).
Bien que la propriété soit partagée entre trois acquéreurs, le pacte d’actionnaires confère à SDTM une influence exclusive et décisive sur toutes les décisions stratégiques de l’entreprise cible.
I.3. Les parties
Consortium Acquéreur :
Comprenant SDTM qui est un important opérateur ivoirien actif dans la distribution alimentaire et l’agro-industrie, notamment dans la transformation de produits agricoles, l’embouteillage de boissons sous licences exclusives et la production de produits alimentaires essentiels tels que les dérivés de tomate, l’eau et les biscuits.
Le réseau de distribution de SDTM s’étend sur l’ensemble du territoire ivoirien, couvrant les principaux centres urbains, les petites villes et les zones rurales, grâce à un réseau de grossistes, de détaillants et de transporteurs. L’entreprise ne possède ni filiales ni succursales en dehors de la Côte d’Ivoire. Toutefois, ses produits circulent dans la région grâce au commerce intra-communautaire.
Les autres acquéreurs, Aspiration Holding Limited et Ambition International Limited, sont des investisseurs financiers sans influence déterminante sur l’activité de la cible eu égard à l’absence de tout droit sur l’adoption des décisions stratégiques de la Cible.
Cible : Unilever Côte d’Ivoire
Unilever Côte d’Ivoire est un fabricant de biens de consommation établi de longue date, qui produit principalement du savon, des détergents et des produits d’entretien du linge et d’autres produits de nettoyage ménagers.
La société fabrique également certains produits alimentaires sous licences qui, selon les parties, arriveraient à expiration avant la finalisation de la transaction.
Elle dispose d’une plateforme industrielle dotée d’une capacité d’exportation régionale, fournissant des produits d’hygiène et d’entretien ménager à plusieurs États membres de la CEDEAO.
Avant cette transaction, Unilever Côte d’Ivoire faisait partie d’une multinationale. A l’issue de la transaction, elle n’importera plus et ne commercialisera plus aucun produit de la multinationale sous ses marques internationales.
II. COMPETENCE DE L’ARCC
II.1. Champ matériel
L’opération constitue une fusion au sens des règles communautaires de la concurrence dès lors qu’elle entraîne un changement durable de contrôle.
II.2. Champ territorial
L’opération implique des entreprises actives dans plusieurs États membres de la CEDEAO, par des exportations formelles (Unilever) ou par la circulation régionale de produits (SDTM). Elle a un impact régional manifeste, relevant ainsi de la compétence territoriale de l’ARCC.
II.3. Seuil de notification des fusions
Les chiffres d’affaires des parties dépassent les seuils de contrôlabilité fixés par le Règlement n° C/REG.23/12/21, conférant une compétence exclusive à l’ARCC.
III. DÉFINITION DU MARCHÉ PERTINENT
III.1. Marché de produits
Les parties à la fusion exercent leurs activités dans des segments de produits distincts.
SDTM est active dans le secteur des aliments et des boissons, notamment le concentré de tomates, l’eau, les biscuits et les boissons.
Unilever CI opère dans le secteur des savons, des détergents et des produits d’entretien ménager.
Ces activités se caractérisent par des chaînes d’approvisionnement spécifiques, des usages consommateurs propres à chaque catégorie de produits, ainsi que des cadres réglementaires distincts.
Les marchés de produits concernés par l’opération peuvent ainsi être identifiés comme suit :
- la production et/ou la distribution de produits alimentaires et de boissons (SDTM) ;
- la production et/ou la distribution de savons, de détergents et de produits d’entretien ménager (Unilever CI).
III.2. Marché géographique
Unilever exporte vers huit États membres de la CEDEAO ; SDTM influence les conditions concurrentielles régionales par le biais des flux commerciaux indirects.
Les marchés des biens de consommation courante en Afrique de l’Ouest présentent des chaînes d’approvisionnement intégrées, des préférences de consommation comparables et des conditions réglementaires harmonisées.
Le marché concerné est donc régional (CEDEAO), avec un accent particulier sur la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Libéria, le Sénégal et le Togo.
IV. STRUCTURE ET DYNAMIQUE DU MARCHÉ
Le secteur des biens de consommation courante au sein de la CEDEAO est compétitif et dynamique, avec une combinaison d’entreprises multinationales, de fabricants africains régionaux et de solides entreprises locales opérant dans les États membres.
Unilever Côte d’Ivoire est un important producteur historique dans le secteur du savon et des détergents, tandis que SDTM est un acteur national significatif dans le secteur de l’alimentation et des boissons.
Étant donné que les activités des parties ne se chevauchent pas horizontalement, la structure de la concurrence sur un marché de produits donné reste inchangée par la transaction.
Les entreprises concurrentes, notamment les fabricants multinationaux et les entreprises locales, continuent d’exercer une forte pression concurrentielle dans toutes les catégories.
Ce secteur se caractérise par une innovation fréquente sur les produits, un marketing actif et une entrée continue sur le marché de petits producteurs locaux, ce qui renforce sa compétitivité.
V. RÉSUMÉ ET CONCLUSION DE L’ÉVALUATION CONCURRENTIELLE
V.1. Effets concurrentiels
Effet horizontal Potentiel
L’opération ne soulève pas de préoccupations en matière de concurrence horizontale. L’absence de produits substituables et le fait que la concentration du marché reste inchangée démontrent que l’opération est neutre du point de vue de la concurrence horizontale.
b . Effet vertical potentiel
Il n’existe pas de relation d’amont à aval entre les activités des parties. La logistique alimentaire et la fabrication de produits d’entretien ménager constituent des chaînes de valeur indépendantes.
L’entité issue de la fusion n’aura pas la possibilité de restreindre l’accès aux intrants, l’accès à la distribution ou les services essentiels utilisés par ses concurrents.
c . Effet conglomérat potentiel
Les gammes de produits concernées sont indépendantes et ne font l’objet d’achat conjoint de la part des consommateurs ou des détaillants. Il n’existe aucun mécanisme crédible permettant à l’entité issue de la fusion d’exploiter sa position dans une catégorie pour imposer des ventes liées ou groupées dans une autre.
V.2. Appréciation des tiers
a . Concurrents
Les concurrents reconnaissent (i) le positionnement renforcé de SDTM et (ii) les gains d’efficacité attendus de la capacité logistique et industrielle d’Unilever.
Une minorité a recommandé une surveillance réglementaire accrue des pratiques de tarification et de distribution; toutefois, le marché reste ouvert et concurrentiel.
b. Consommateurs
Les consommateurs font état d’une grande confiance envers les deux entreprises et anticipent une meilleure qualité, une gamme de produits élargie et une meilleure distribution.
Toutefois, les consommateurs ont exprimé des inquiétudes concernent d’éventuelles hausses de prix ou une réduction de la diversité des produits, bien que ces risques ne soient pas confirmés par une analyse structurelle du marché par l’ARCC.
VI. EXAMEN ET CONCLUSION DU CONSEIL
Le Conseil conclut que l’opération ne crée ni ne renforce une position dominante sur aucun marché pertinent.
Il n’existe pas obstacle significatif à une concurrence effective au sein de la région CEDEAO.
En conséquence, le Conseil conclut que cette transaction n’est pas susceptible de réduire de manière substantielle la concurrence au sein du marché pertinent et est compatible avec les règles communautaires en matière de concurrence.
DÉCIDE
Article 1 – Autorisation
L’acquisition des actions d’Unilever Côte d’Ivoire par le consortium dirigé par la Société de Distribution de Toutes Marchandises est autorisée sans condition.
Article 2 – Surveillance post-transaction
Dans le cadre de son mandat général de surveillance du marché, la Direction Exécutive de l’ARCC est chargée du suivi post-opération afin de veiller à ce que la stratégie commerciale de la nouvelle entité reste conforme aux principes de la libre concurrence dans la région.
Article 3 – Entrée en vigueur
La présente décision entrera en vigueur à la date de sa signature, sera notifiée aux parties et publiée au Journal officiel de la CEDEAO.
Fait à Abuja, le 15 décembre 2025
POUR LE CONSEIL DE L’ARCC
Dr Juliette TWUMASI-ANOKYE
La présidente
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